Peintures au plomb : le Togo a la solution, il manque la loi
319 millions de dollars US par an. C’est le prix que paie le Togo à cause de l’exposition des enfants au plomb, soit près de 5% de son PIB. Pour inverser cette tendance, l’ONG Les Amis de la Terre-Togo et son partenaire Lead Exposure Elimination Project (LEEP) ont organisé, ce 28 octobre à Lomé, un atelier national réunissant fabricants et artisans. « Chaque jour d’inaction coûte des points de QI à nos enfants et des millions de dollars à notre économie », a lancé, en ouverture, M. Rémi Afoutou, président des Amis de la Terre-Togo. L’objectif ? Éliminer le plomb des peintures et transposer enfin la norme CEDEAO dans le droit togolais, avec un accompagnement concret pour les industriels.
Le saturnisme, ou intoxication au plomb, est une urgence sanitaire silencieuse. « Aucun niveau d’exposition n’est sans danger », rappelle l’OMS. Les enfants et les femmes enceintes sont les premières victimes : troubles du développement neurologique, baisse du QI, problèmes rénaux, et même des décès. « Un enfant contaminé aujourd’hui, c’est un adulte diminué demain, et un Togo affaibli collectivement », a alerté M. Rémi Afoutou, président des Amis de la Terre-Togo.

Le Togo perd 319 millions de dollars par an à cause du plomb, une somme équivalente à des budgets ministériels entiers. « C’est une saignée qui appauvrit le pays et hypothèque l’avenir de nos enfants », a souligné le représentant de l’OMS lors de l’atelier. Les peintures, les déchets électroniques et l’exploitation minière sont les principales sources de contamination.
Malgré l’adoption par la CEDEAO d’une norme limitant le plomb à 90 parties par million (ppm) (règlement ECOSTAND 092), le Togo n’a toujours pas transposé cette règle. « Le marché reste inondé de produits toxiques, faute de cadre légal clair », a dénoncé M. Amegadze Kokou Elorm, Directeur Exécutif des Amis de la Terre Togo. « La norme à 90 ppm n’est pas une option, c’est une nécessité de santé publique et un impératif économique. »
LEEP, en tant que partenaire important de l’atelier, a non seulement contribué à la tenue de l’événement, mais offre aussi un soutien technique gratuit aux fabricants de peintures. « Notre mission est de travailler main dans la main avec les industriels pour qu’ils produisent des peintures sûres, conformes et compétitives », a déclaré Mme Nafissatou Cissé, représentante de LEEP. « Nous proposons des tests en laboratoire, des recommandations pour identifier des fournisseurs de matières premières sans plomb, et un accompagnement personnalisé tout au long du processus de reformulation. »
« La transition vers des peintures sans plomb est non seulement possible, mais aussi bénéfique pour l’industrie locale », a-t-elle ajouté. « Elle permet de renforcer la confiance des consommateurs, d’ouvrir de nouveaux marchés régionaux et internationaux, et de valoriser la marque des fabricants togolais. »
Contrairement aux idées reçues, des peintures sans plomb, performantes et abordables, existent déjà en Afrique de l’Ouest. « Des fabricants togolais les utilisent déjà, prouvant que la transition est techniquement et économiquement réalisable », a confirmé Mme Cissé.
LEEP, membre de l’Alliance mondiale pour l’élimination de la peinture au plomb (OMS/ONU) et du Partenariat pour un monde sans plomb (UNICEF), réaffirme son engagement à accompagner le Togo dans cette transition. « Nous sommes là pour soutenir le gouvernement et les industriels, car protéger la santé des enfants, c’est aussi renforcer l’économie du pays », a-t-elle souligné.
« Le thème de cette année, « Aucun niveau d’exposition n’est sans danger : agissez dès maintenant », n’est pas un slogan. C’est un impératif », a rappelé M. N’PO Hervé, du MERFPCCC. La CEDEAO a déjà adopté la norme ECOSTAND 092, limitant le plomb à 90 ppm. « Il ne reste qu’à la transposer en loi nationale », a-t-il insisté. « La mise en œuvre de cette norme est une priorité absolue pour un Togo sans plomb. »
L’atelier s’est conclu par l’adoption d’une Déclaration de Lomé, exigeant du gouvernement :
- L’adoption immédiate d’une loi limitant le plomb à 90 ppm.
- L’interdiction de la fabrication et de la vente de peintures au plomb.
- Un système de contrôle et d’étiquetage « Sans plomb ».
- Un accompagnement des fabricants, avec l’appui technique de LEEP.
- Une campagne nationale de sensibilisation et de dépistage.
- L’intégration de la prévention du saturnisme dans les politiques publiques.
« Agir contre le plomb, c’est investir dans l’avenir du Togo », a martelé la Déclaration. « Avec le soutien de LEEP, nous avons les outils pour réussir. Il ne manque que la volonté politique. »
Grâce à l’engagement de l’ONG Les Amis de la Terre Togo et ses partenaires tels que LEEP ainsi qu’à la mobilisation des acteurs locaux, le Togo dispose désormais des raisons valables pour éliminer le plomb des peintures. « Nous ne pouvons plus attendre, a conclu Mme Cissé. Chaque jour de retard est un coût pour la santé de nos enfants et pour l’économie du pays. »
« L’histoire retiendra ceux qui auront choisi la vie, la santé et l’avenir », a ajouté M. Rémi Afoutou. La balle est désormais dans le camp des autorités. Avec Les Amis de la Terre et ses partenaires à leurs côtés, elles ont toutes les cartes en main pour agir.
« En tant que consommateur, seriez-vous prêt à privilégier des peintures certifiées sans plomb, même si elles coûtent légèrement plus cher, pour protéger votre famille et soutenir l’économie locale ? »
Djamiou ABOUDOU
