Le pangolin, un mammifère originaire d’Afrique et d’Asie du Sud-Est, fait l’objet d’un trafic de grande envergure en raison des prétendues vertus de ses écailles. Recherché pour sa viande supposément curative et ses écailles en kératine, le pangolin est aujourd’hui l’animal le plus braconné au monde. À moins que des mesures ne soient prises pour le protéger, le pangolin pourrait subir le même sort que les dinosaures et d’autres espèces disparues de façon définitive de notre planète.
La Journée mondiale du pangolin, célébrée chaque année en février, est un rappel de la situation critique de cet animal. Le trafic d’animaux rapporte des sommes considérables sur les marchés, mettant ainsi en péril certaines espèces qui risquent l’extinction imminente. « Le pangolin est sur le point de disparaître de notre planète, mais il est encore temps d’agir si nous voulons le sauver de cette mort silencieuse », a déclaré Mark Hofberg, responsable des campagnes au Fonds international pour la protection des animaux (IFAW).
Selon l’organisation Sauvons la forêt, l’une des problématiques réside dans l’attribution de pouvoirs de guérison miraculeux aux écailles de pangolin, ainsi que dans l’association de sa chair à un statut social élevé. Malgré l’interdiction du commerce international de ces animaux, le trafic des pangolins persiste, et les espèces africaines rejoignent le marché de la contrebande.
Si le trafic était principalement centré en Asie, il s’intensifie désormais en Afrique. Selon une étude de la Société pour la biologie de la conservation, entre 400 000 et 2,7 millions de pangolins sont chassés chaque année depuis 2017 dans les forêts d’Afrique centrale.
Le Kenya est devenu une plaque tournante du trafic continental du pangolin, en provenance du Cameroun, de la République démocratique du Congo et du Sénégal. Entre 2010 et 2014, environ 120 000 kilogrammes de pangolins ont été exportés d’Afrique, selon les responsables des musées du pays. « Nous avons récemment été témoins de cas où une valise censée contenir des vêtements était en réalité remplie d’écailles de pangolin. Nous avons également découvert des pangolins entiers, morts et congelés, dans un conteneur prêt à être expédié », a expliqué Benard Agwanda, chercheur scientifique aux Musées nationaux du Kenya. Depuis 2021, le Kenya a enregistré 20 saisies de pangolins dans les aéroports. L’image de l’animal a été ternie par le coronavirus.
« En 2020, une étude a rapporté que les pangolins étaient porteurs d’un virus susceptible d’être à l’origine du COVID-19, ce qui a modifié l’opinion des gens à leur égard. Si nous ne faisons pas de recherches et ne comprenons pas le contexte de ces histoires, nous serons incapables de combattre ces rumeurs entourant les pangolins, ce qui pourrait aggraver la menace qui pèse sur eux. Nous risquons donc de perdre les pangolins plus rapidement que prévu si nous ne démystifions pas ces croyances par des faits », a-t-il souligné.
Au Togo, bien que l’article 761 du nouveau code pénal prévoie des sanctions allant d’un à cinq ans de prison et d’une amende de un à cinq millions de francs CFA pour toute personne impliquée dans la destruction ou le commerce illégal d’espèces animales ou végétales, le trafic de pangolins et de leurs écailles se poursuit par le biais du port autonome de Lomé, un important hub de trafic d’espèces protégées.
L’espèce est principalement exploitée pour sa chair, à laquelle on attribue des vertus médicinales et magiques. Dans la région des plateaux, lorsqu’une personne est malade ou qu’un enfant présente une forte fièvre, les écailles de pangolin sont brûlées dans le feu, car la fumée qui en émane est censée éloigner les mauvais esprits et guérir le malade.
Outre sa chair, le pangolin est également victime de trafic pour ses écailles. Selon les tradithérapeutes, celles-ci ont le pouvoir de chasser les mauvais esprits de la maison et d’attirer les bons génies.
Les lois en vigueur répriment le trafic des espèces sauvages protégées, mais il existe une ambiguïté dans leur application. Par exemple, la loi CITES n’a toujours pas été adoptée. Selon la classification des espèces en vigueur au Togo, le pangolin est classé dans la catégorie B, ce qui signifie qu’il est partiellement protégé. Cependant, au niveau de la CITES, le pangolin est inscrit à l’annexe 1 depuis 2016, ce qui indique que l’espèce est gravement menacée d’extinction et nécessite une protection totale. Afin de sauver l’espèce, il est donc nécessaire d’adopter la loi CITES au Togo, ainsi que ses textes d’application.
En juillet 2017, une saisie de trois tonnes d’écailles de pangolin a été réalisée en Côte d’Ivoire. Les trafiquants détenaient près de trois tonnes impressionnantes d’écailles de pangolins provenant des forêts ivoiriennes, ainsi que d’autres pays d’Afrique de l’Ouest, notamment la Guinée Conakry et le Liberia. Selon le Réseau EAGLE-Côte d’Ivoire, plus de 4 000 pangolins ont été tués pour obtenir ces 3 000 kg d’écailles.
Pourtant, le pangolin joue un rôle essentiel dans la biodiversité et constitue un élément important de la chaîne alimentaire, contribuant à l’équilibre des écosystèmes. Cependant, cela ne préoccupe guère les trafiquants qui continuent de dévaster la biodiversité mondiale.
La Chine et le Vietnam sont particulièrement demandeurs d’écailles de pangolin, car elles sont réputées agir contre l’arthrite, les ulcères, les tumeurs et les douleurs menstruelles, bien que ces vertus n’aient jamais été scientifiquement prouvées. Bien que la Chine ait interdit le commerce et la consommation d’animaux sauvages en 2020 et retiré les ingrédients issus du pangolin de sa pharmacopée officielle, les douanes chinoises ont encore saisi deux tonnes d’écailles en juillet 2022. Le mois suivant, Hong Kong, un important centre du commerce international d’espèces animales menacées, a classé le trafic d’animaux sauvages comme un crime organisé.
Si l’Asie n’est plus la principale source d’approvisionnement en pangolins depuis une décennie en raison de la diminution de leurs populations, l’Afrique, et principalement le Nigeria, le Cameroun, la Guinée et le Liberia, sont devenus les principaux fournisseurs, selon l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime.
Selon l’Agence des États-Unis pour le développement international, entre 650 000 et 8,5 millions de pangolins ont été arrachés à leur environnement en Afrique de l’Ouest entre 2009 et 2020. Malgré les efforts internationaux pour renforcer la protection des pangolins, les études récentes de l’IFAW montrent une augmentation du volume et du nombre de saisies de pangolins dans le monde entier.
Les principaux pays d’origine et de transit sont désormais le Nigeria, le Cameroun, la République démocratique du Congo et l’Ouganda, qui supplantent l’Indonésie et la Malaisie. Cependant, ces chiffres ne représentent qu’une partie visible de l’iceberg, car selon Interpol, les autorités ne parviennent à mettre la main que sur 10 à 20 % du trafic.
Beaucoup d’efforts doivent encore être déployés sur le marché pour réduire la demande de produits dérivés du pangolin, en particulier en Chine, à Hong Kong et au Vietnam. De plus, plusieurs pays africains doivent renforcer leur législation pour protéger l’espèce, et les pays d’origine, de transit et de destination du trafic doivent coopérer au niveau régional pour démanteler les réseaux de contrebande.
Il est crucial de sensibiliser le public à l’importance de la préservation des pangolins et de leur habitat naturel. Ces animaux jouent un rôle vital dans l’équilibre des écosystèmes et leur disparition aurait des répercussions néfastes sur la biodiversité mondiale.
Il est donc impératif de prendre des mesures concrètes pour lutter contre le trafic de pangolins, renforcer la législation internationale et nationale, et promouvoir des initiatives de conservation et de sensibilisation. Seule une action collective et coordonnée permettra de sauver ces magnifiques créatures de l’extinction imminente et de préserver la richesse de notre planète pour les générations futures. (EAGLE-Togo/mai/2023).
Djamiou ABOUDOU