‹‹Il est là, il est là», criaient-ils, comme s’ils ne croyaient plus à ce retour. La phrase sur toutes les lèvres, de Port Bouet, à l’ancien siège de campagne du Front populaire ivoirien (FPI), à Attoban. Depuis l’aéroport international Félix Houphouët Boigny qu’il a foulé à 16h15, en provenance de celui de Zaventem Bruxelles, en passant par des quartiers populaires que son cortège a traversés et qui ont été pris d’assaut par une foule indescriptible, Laurent Gbagbo peut se targuer d’avoir reçu un accueil fait de liesse populaire, bien loin de celui en catimini que certains voulaient imposer à ses partisans. Malgré les grenades lacrymogènes des forces de défense et de sécurité pour empêcher tout rassemblement de foule, les menaces d’agression physique et les intimidations de toutes sortes, l’ambiance était électrique et à la joie, comme celle des soirs de grandes victoires des Eléphants de Côte d’Ivoire. Ils étaient tous, non presque tous, là, pour vivre cette nouvelle page qui, en principe, s’ouvre pour la Côte d’Ivoire en quête de réconciliation et de cohésion nationales.
Il ne manquait que cette touche supplémentaire d’organisation et de sécurité pour cet accueil de Laurent Gbagbo qui revient en Côte d’Ivoire parce que Alassane Ouattara a pris la décision. Le chef de l’Etat et son gouvernement ne sont pas allés au bout de leur logique, sans doute pour des petits calculs politiciens. Ce retour de Laurent Gbagbo, 76 ans, sans être le seul ingrédient de la sauce, devait servir de pierre angulaire à l’érection de l’édifice de la réconciliation. De même, l’un des plus grands absents de cet événement, n’est autre que l’ancien Premier ministre, Feu Hamed Bakayoko. Oui, HamBak, de son vivant, a été un artisan infatigable de ce retour. Et c’était avec lui que Laurent Gbagbo «parlait». Sans doute que ce commis de l’Etat aurait été là que ce retour se serait déroulé sans ce cafouillage monstre qui l’a entouré.
En tout cas, il faut le dire, le retour des exilés, notamment celui de LG, le plus emblématique, d’entre eux, constitue un chainon important du processus de réconciliation qui doit rassembler, sous l’arbre à palabre tous les enfants de la Côte d’Ivoire, sans couleur politique, encore moins ethnique. Après 10 ans de chemin de croix judiciaire, devant la Cour pénale internationale qui a fini par l’acquitter définitivement, et 6 longues heures de vol, qu’attendre maintenant comme retombée bénéfique du retour du «christ de Mama»?
Comme hier, et sans doute demain, Laurent Gbagbo a présenté plusieurs facettes de lui, ce jeudi, grand jour pour lui et ses partisans. De l’homme physiquement diminué, qui peinait à poser un pied devant l’autre et ne marchait que soutenu par d’autres bras, aux aéroports d’embarquement et de débarquement, le fondateur du FPI a comme retrouvé des forces, au milieu des siens, au QG de campagne de son parti. Selon les témoignages à chaud qui ont filtré de ces premiers échanges entre camardes du FPI des «Gbagbo ou rien», c’est en position debout que Laurent Gbagbo s’est exprimé. Ces premiers mots, bien évidemment, ont été ceux de remerciements à l’endroit des cadres et des militants de base. Tout en demandant un court instant de répit pour aller pleurer ses morts, notamment sa mère décédée alors qu’il se trouvait en exil, Laurent Gbagbo a vite été rattrapé par la politique, retrouvant les mots qui galvanisent.
Le discours politique n’était pas trop loin de cette table autour de laquelle ne se trouvait que des politiques, à commencer par l’ancien président ivoirien qui entend bien porter son nouveau statut d’homme de paix et de cohésion sociale. Florilège: «Je sais que je suis Ivoirien, mais en prison, j’ai su que j’appartenais à l’Afrique. (…) Je reviendrai ensuite me mettre à la disposition du parti. Je suis votre soldat, je suis mobilisé», a dit, en substance, l’acquitté de la CPI. Le «soldat» Gbagbo doit rester «mobilisé» pour remettre en ordre de bataille, un parti profondément émietté et qui connaîtra sans doute d’autres secousses, avec les ambitions politiques de Affi N’Guessan, patron de l’autre aile du FPI et de Simone Ehivet Gbagbo, l’ancienne première dame qui n’a probablement pas dit son dernier mot. A moins que le «Woody de Mama» ne revienne, «mobilisé», pour reprendre la politique, là où il l’avait laissée. En a-t-il seulement encore les ressources et le répondant nécessaires?
Source: https://www.wakatsera.com/cote-divoire-gbagbo-soldat-et-mobilise/
l’émissaire