Le journal français « Le Monde » et le journal britannique « The Guardian » ont publié certaines informations sur le Togo relatives aux écoutes téléphoniques de personnalités publiques notamment des acteurs de la société civile et des membres proches des leaders de l’opposition. Ces informations viennent confirmer les rumeurs au sein de l’opinion nationale depuis un moment et mettent en cause les autorités et le système de gouvernance politique. Les populations sont à cet effet doublement victimes car, non seulement elles ont été saignées économiquement pour l’achat de cet outil sophistiqué, mais surtout elles sont la cible d’une utilisation irrationnelle de cet instrument qui porte de graves atteintes aux libertés fondamentales comme le respect de l’intimité, la liberté d’opinion et le droit à la vie, garanties par la constitution togolaise et les traités internationaux ratifiés par le Togo. Dans l’utilisation inappropriée de cet outil, de nombreux citoyens ont fait l’objet de menaces, d’arrestations, d’exécutions extrajudiciaires et des assassinats y compris dans les rangs des militaires et les enquêtes n’ont jamais abouti et ces crimes sont restés impunis. Il se rapporte même que les autorités gouvernementales et d’autres éminentes personnalités du pays sont aussi victimes de cette opération hautement politique qui a pour seule ambition la satisfaction des intérêts personnels qui permettent la conservation du pouvoir à vie. Il s’agit d’une méthode de voyous qui décrit l’état d’esprit et la mentalité des dirigeants du pays.
En considérant l’immensité du préjudice causé à l’intérêt général de la nation à travers cette pratique inadmissible, l’ASVITTO vient faire observer l’absence de professionnalisme des autorités qui ressort des choses perceptibles:
**SUR LA COMMANDE DE CET OUTIL D’ÉCOUTE TÉLÉPHONIQUE :
L’opacité et la discrétion constatées dans la commande de cet outil est l’illustration de la dangerosité de son utilisation sans oublier les pots de vin devenus coutumiers dans le système de gouvernance actuelle.
Selon les principes démocratiques où la séparation des pouvoirs caractérise l’équilibre, l’équité et la considération de toutes les composantes d’une même nation à travers l’indépendance et la force des institutions de contrôle, le pouvoir exécutif ne devrait pas avoir l’exclusivité de la commande, de l’achat et de la gestion de cet outil. Le gouvernement devra soumettre son initiative à l’Assemblée nationale pour approbation et devra ainsi convaincre l’institution chargée de contrôler les actions gouvernementales de la nécessité et de l’urgence pour le pays d’avoir un tel dispositif si tant est que l’on s’inscrit dans la vision du fabricant qui est la lutte contre le terrorisme et autres fléaux qui menacent la paix et la sécurité internationale. Dans ce contexte, l’exécutif se devait de démontrer en quoi l’obtention de ce matériel pouvait être une priorité vis-à-vis des autres, prouver les risques encourus sans cet outil, par qui et comment il devrait être utilisé pour éviter les abus constatés aujourd’hui.
**SUR L’UTILISATION DE CET OUTIL :
L’approche d’une utilisation efficiente et efficace qui devrait réduire les abus dans la gestion de cet matériel serait de le mettre à la disposition du pouvoir judiciaire. Ceci dit, lorsqu’il y aura des informations inquiétantes venant des services crédibles de renseignement (à ne pas comparer avec les services antidémocratiques de conservation du pouvoir), et qui font état d’une suspicion sur un individu ou un groupe d’individus qui s’apprêterait à commettre un crime ou des actes terroristes ou de grands banditisme, la justice est rapidement saisie et donne son autorisation pour l’écoute téléphonique des suspects en vue d’identifier, de localiser et d’interpeller les présumés auteurs et complices d’une tentative ou d’un crime déjà commis pour les soumettre à la rigueur de la loi. Autrement dit, les prérogatives relatives à l’utilisation de cet instrument relèvent de l’autorité du Juge qui est habilité à apprécier la nécessité ou non de l’écoute téléphonique de tout justiciable pour la manifestation de la vérité. Or, ce qui est fait jusqu’à ce jour est l’écoute systématique des huit (8) millions de togolais et les conséquences sont dommageables avec des assassinats et crimes politiques. Ce qui fait partie des abus et dérives du pouvoir exécutif.
**SUR L’ENQUÊTE CONCERNANT L’ASSASSINAT DU COLONEL MADJOULBA BITALA, EX CHEF DE CORPS DU BIR:
Plus de trois (3) mois après l’assassinat du colonel Madjoulba Bitala, Chef de corps du BIR, le mystère reste entier et les enquêtes ne promettent rien à l’horizon.
Toutefois, il est curieux de constater que les autorités gouvernementales, pour des besoins d’enquête, n’aient pas évoqué les probables indices de preuves d’écoutes téléphoniques pour les mettre à la disposition des enquêteurs.
Pourquoi une telle piste, aussi importante que les analyses balistiques a été occultée et n’a pas été livrée pour les besoins d’enquête ?
Il est indéniable que la piste des écoutes téléphoniques va intéresser les enquêteurs français pour identifier les auteurs et complices de ce crime et le gouvernement a l’obligation de permettre aux enquêteurs d’accéder à cet outil d’écoute et aucune raison ne doit faire obstruction à la manifestation de la vérité.
**CONCLUSION :
En conclusion, les écoutes téléphoniques systématiques sont une violation grave des droits de l’homme et l’utilisation d’un tel instrument doit se faire exclusivement dans la lutte contre le terrorisme et autres fléaux qui menacent la sécurité des populations. C’est pourquoi, son utilisation doit respecter les normes démocratiques de séparation de pouvoir pour éviter les abus et dérives du pouvoir exécutif. Car il apparaît clairement que la commande de cet instrument a été une décision unilatéralement prise qui n’a respecté aucune procédure de transparence.
L’ASVITTO s’aligne derrière la position d’Amnesty International et demande des explications aux autorités gouvernementales sur les informations y relatives.
En outre, l’ASVITTO convie le gouvernement à corriger ce grave manquement et l’invite à l’adoption d’un cadre juridique approprié pour mettre cet outil à la disposition des institutions judiciaires régulières en vue d’usage dans l’intérêt général de toute la population et faire cesser la traque des adversaires politiques et l’usage criminel fait jusqu’à ce jour.
Fait à Lomé, le 9 août 2020
Pour l’ASVITTO
Le Président
M. ATCHOLI KAO MONZOLOUWÈ