Déclaration liminaire
Le monde fait face à une crise sanitaire sans précédent liée à la pandémie à Corona virus (COVID-19). En effet, apparu le 17 novembre 2019 dans la province de Hubei (en Chine centrale), et plus précisément dans la ville de Wuhan, le COVID-19 s’est propagé dans le monde entier comme une trainée de poudre.
Mais le COVID-19 est bien plus qu’une crise sanitaire. En mettant sous pression chacun des pays qu’elle touche, la pandémie créée aussi des crises sociales, économiques et politiques dévastatrices qui laisseront de profondes cicatrices.
Depuis l’apparition du premier cas de COVID 19 au Togo le 06 mars 2020, et la déclaration de l’Etat d’urgence le 1er Avril 2020 par le chef de l’Etat, tous les secteurs sont touchés et plongés dans une récession y compris le monde paysan. Le drame pour ce dernier est qu’il constitue paradoxalement la couche la plus vulnérable de la société sans véritables moyens de subsistance et le plus touché par la faim et la pauvreté, 69% des ménages dans le monde rural en 2015. Mais faut – il le rappeler, malgré cette vulnérabilité le monde paysan reste le secteur pourvoyeur de nourritures pour la subsistance et le bien-être ; aussi est-il créateur de richesses. Même en période de crise économique, sociale et sanitaire, les paysans, avec un accompagnement, sont ceux qui fournissent de la nourriture au reste de la population.
Au Togo, l’agriculture représente plus de 40 % du PIB togolais, et occupe près de 65% de sa population active, pour une superficie cultivable évaluée à 3,6 millions d’hectares, soit 60% de la superficie globale du pays, dont 41% sont emblavés (1,4 millions d’hectares) (selon Togo First).
La pandémie à COVID-19 a permis non seulement de relever les manquements dans l’agriculture au Togo mais aussi porte un coup dur au monde paysan. L’agriculture au Togo souffre essentiellement du déficit de la mécanisation et du dérèglement climatique.
Un autre facteur très redouté par le monde paysan et qui l’affecte le plus, est l’enclavement qui le coupe de tout approvisionnement en intrants et la vente des produits sur les marchés environnants ou extérieurs, un facteur sur lequel le gouvernement a essayé de travailler ces dernières années par la construction des routes et la réhabilitation des marchés.
La crise engendrée par le COVID 19 avec les mesures de restriction sont venues saper ces avancées et plonger les ruraux par préfecture dans l’isolement et bloquer les activités. De plus, cette période de Mars, Avril et Mai est une période de préparation des parcelles de production pour la plupart des cultures annuelles. Certaines cultures bisannuelles ou pérennes sont dans leurs périodes de vente et d’exportation avec des partenaires, des traders étrangers qui devraient être sur le territoire mais empêchés malheureusement par la crise de COVID 19.
Certaines mesures barrières restrictives prises par le gouvernement ont des répercussions sur les ruraux qui travaillent en majorité dans de petites exploitations agricoles en collaboration avec les agrégateurs, sont particulièrement exposés aux effets de ces mesures. Toutefois, la Convergence remercie le gouvernement pour l’allègement récent de ces mesures et l’encourage à continuer dans le sens de la relance des activités tout en incitant au respect des mesures de protection contre le virus Covid-19.
Comme effets, on a la récession des entreprises agrégateurs qui développent le marché, moteur du secteur agricole. Elles cherchent les marchés surtout à l’extérieur et viennent mobiliser les produits pour l’exportation.
Malheureusement les mesures restrictives ont causé pour ces agrégateurs :
- La perte de certains contrats et donc perte de marchés à l’extérieur,
- L’incertitude sur les engagements de contrat avec des producteurs ou les organisations paysannes,
- L’élasticité dans les formalités pour les entreprises qui assurent un minimum fonctionnel,
- La récession de certaines entreprises locales de transformation,
- Les organisations paysannes, une structuration du monde paysan et une interface aux près des autorités publiques et sur le marché, sont aussi rentrées en récession et coordonnent difficilement la base des productions. Les producteurs individuels sont beaucoup plus isolés et subissent plus les affres de la crise par la perte des moyens de subsistance.
- L’augmentation des prix des produits sur le marché.
- Les femmes qui sont les acteurs de distribution de ces produits sur les marchés locaux sont très touchées par ces mesures parce que privées de leur activité quotidienne.
Il est donc essentiel que tous les acteurs, autorités publiques, les entreprises agrégateurs, les organisations paysannes comprennent le volet relatif à la sécurité alimentaire et ciblent les petits producteurs des zones rurales pour un soutien adéquat.
Depuis Mars 2020, le gouvernement à travers le ministère de l’agriculture et de la protection animale et halieutique a instauré la délivrance d’un laisser-passer aux acteurs pour leur mobilité et continuer dans une moindre mesure les activités de terrain mais malheureusement, l’acquisition de ce laisser passer est devenu un parcours de combattant au ministère de la sécurité.
Certains acteurs qui ont pu l’avoir auprès des structures décentralisées comme la préfecture et la mairie se sont vus refuser le passage par les forces de l’ordre et de sécurité sur les routes.
Cependant un laisser passer est accordé aux gros porteurs remorques et semi-remorques qui arrivent à Lomé avec leurs produits de l’intérieur pour exportation par le port autonome Lomé via voie maritime.
L’agence nationale pour la sécurité alimentaire au Togo avec les mesures barrières a pu se rendre auprès de certaines communautés de paysans pour continuer la mobilisation et l’achat des produits céréaliers, près de 70 000 tonnes achetées avec des revenus de subsistance pour quelques mois et l’ouverture de ses marchés de produits le 25 Mars 2020 aux consommateurs nationaux.
Cependant, d’autres spéculations qui ne rentrent pas dans la politique de l’ANSAT n’ont pas bénéficié de cette sortie de produits et de cette rentrée de revenu pour ces paysans.
Un fonds de soutien aux ménages accordé par l’Etat à toutes les couches défavorisées et vulnérables lancé et en cours, est salué par la Convergence Globale de Lutte pour la Terre et l’Eau. Ce fonds a touché aussi le monde paysan.
Cependant, beaucoup de paysans dans les contrées éloignées qui n’ont pas pu se faire établir leur carte d’électeur se sont vus exclus.
L’action majeure du gouvernement au monde paysan est le « Plan de Riposte Agricole Covid-19 » lancé fin Avril et qui a pour objectif de « consolider la sécurité alimentaire et nutritionnelle et améliorer le revenu et les conditions de vie des producteurs agricoles» sous la coordination du MIFA.
Ce mécanisme qui est mis en œuvre par le ministère en charge de l’agriculture se décline en 03 principaux axes :
- un appui en matériel et kits d’irrigation,
- la promotion des entreprises de placement de main d’œuvre,
- et l’octroi de crédits d’intrants à taux bonifiés.
Ce mécanisme est initié à travers les agrégateurs en fonds de soutien solidaires aux paysans spécialement 100.000 f CFA pour un Hectare et par producteur sur les spéculations à forte valeur ajoutée comme le riz, le soja, le coton et le maïs. Les agrégateurs qui sont appelés à les enregistrer et à fournir la base au ministère, constituent une caution pour le payement des produits et la restitution des fonds. Le constat aujourd’hui est que les agrégateurs sont très réticents à fournir leurs bases de producteurs aux autorités et aux banques compte tenue du déficit de sincérité entre les acteurs.
Une autre mesure de riposte est la remise de 72 tracteurs aux acteurs du monde agricole le 28 Avril 2020 pour mettre en œuvre la mécanisation agricole.
La Convergence Globale de Lutte pour la Terre et l’Eau salue cette initiative du gouvernement spécialement pour le monde paysan mais estime que l’initiative des fonds pour la production est exclusive sur les spéculations et les producteurs.
Au regard de l’insuffisance de ces mesures d’accompagnement, la Convergence Globale de Lutte pour la Terre et l’Eau recommande :
- La vigilance pour au mieux protéger les ruraux qui sont très exposés au COVID 19,
- Plus de facilité dans la délivrance du laisser-passer aux divers acteurs en lien avec les secteurs agricoles et alimentaires compte tenu de l’intérêt de la sécurité alimentaire après un test rapide de sérologie au COVID 19 aux demandeurs,
- La prise en compte d’autres spéculations dans les politiques de l’ANSAT,
- Une célérité dans la mesure du fonds spécial alloué aux producteurs
- Une ouverture de ses fonds aux autres cultures vivrières, ou toute autre spéculation constituée en interprofession.
- Un fonds de soutien aux entreprises pour la relance des activités et la consommation locale pour réduire la dépendance de l’extérieur,
- Un appui particulier à certaines femmes agricultrices dans la transformation des produits agricoles pour une valeur ajoutée aux produits agricoles comme le gombo, le piment rouge par exemple,
- Une assurance dans l’accessibilité des appuis du gouvernement en matériels intrants, tracteur aux femmes agricultrices des communautés rurales,
- Une célérité sur les dossiers de garantie à première demande par les agrégateurs,
- Une structuration beaucoup plus large et une professionnalisation des organisations paysannes avec l’appui des interprofessions,
- Plus de consolidation du partenariat public privé avec une plus grande collaboration des organisations paysannes avec le ministère en charge,
- Plus de sensibilisation pour inclure les producteurs individuels réticents dans les organisations paysannes,
- Et pour finir, la Convergence Globale de Lutte pour la Terre et l’Eau estime que cette crise sanitaire de COVID 19 a révélé le caractère intersectoriel de l’agriculture et l’insuffisance des moyens accordés pour parvenir à la souveraineté alimentaire.
- La Convergence Globale de Lutte pour la Terre et l’Eau recommande une augmentation du budget alloué à l’agriculture à 15% dans les années à venir.
- Elle recommande au monde paysan le respect des mesures barrières que sont le lavage régulier des mains, le port des masques ou cache-nez, et l’observation de la distanciation de 1 à 1.5 m.