Journaliste et Sociologue spécialiste des questions portant sur le phénomène des enfants en situation de rue au Togo, Djamiou ABOUDOU continue d’intervenir auprès de cette jeune population vulnérable. Dans cet article, pour permettre aux lecteurs de plonger dans l’univers de ces enfants dits ‘de rue’, notre spécialiste nous livre ici le témoignage d’un enfant vivant dans la rue, plus précisément à la plage et au grand marché de Lomé. Suivons plutôt.
Mon nom est Gaston. J’ai 15 ans. Je me retrouve dans la rue parce que je veux trouver un travail à faire, c’est pour cela que je suis là, voilà ! C’est parce que mon père a voyagé que moi aussi j’ai quitté la maison. Je vivais chez ma marâtre ici (à Lomé). Quand elle fait la cuisine, parfois elle me donne à manger, d’autres fois non. Elle me frappait aussi.
Dans la rue, je m’entends bien avec ceux qui m’aiment, je me querelle tout le temps avec ceux qui ne m’aiment pas. Les querelles surviennent quand sans le savoir je touche à quelque chose qui appartient à ceux qui m’aiment moins. Moi je vis juste avec quelques amis, mais je ne fais partie d’aucun groupe en particulier.
Parfois certains passants nous traitent de bandits, ça me fait mal, j’ai envie de riposter mais je me ressaisis du fait qu’ils sont souvent plus âgés. Par exemple, l’autre fois, une jeune fille nous a traités de bandits, j’ai voulu la frapper mais mes camarades m’ont dissuadé. Voilà un peu.
A mon réveil le matin, je n’ai pas d’argent mais je demande aux amis de me prêter 100FCFA pour m’acheter un plat de riz. Ceux qui m’aiment m’en donnent et d’autres non. Aussi, si j’ai des chaussures ou des habits, je les revends pour pouvoir m’acheter à manger le matin.
Je ne fais rien d’autres comme activité génératrice de revenu à part le ramassage de cartons qui servent de combustibles dans le fumage de poissons et autres. C’est le soir que je ramasse les cartons au marché. Ensuite je vais les revendre à une dame nommée « Vodoussi » au quartier ‘Atikpodji’ et l’argent gagné me permet de manger le soir.
La nuit, après avoir vendu les cartons et après avoir mangé, je vais dormir sur une table dans un coin du grand marché de Lomé, appelé Hollando. Le lendemain, je reviens passer ma journée sur la plage, soit en dormant, en jouant ou autre.
Un jour j’étais allé à Agoè (quartier de Lomé). Le soir en rentrant, j’ai été arrêté par un gang mais ils m’ont laissé partir sans me faire de mal. Ensuite je suis allé dormir à Kégué (quartier de Lomé), et là des gars sont venus me demander de leur remettre mon argent ; mais j’ai profité de leur inattention pour m’enfuir sans qu’ils m’aient pris mon argent ni quoi que ce soit.
Dimanche est mon jour de bonheur. Les dimanches, par la grâce de Dieu, j’arrive à ramasser beaucoup de pièces d’argent par terre surtout sur la plage ici. Je suppose que c’est parce que je suis né un dimanche et c’est pour cela que Dieu permet que ce jour me soit favorable.
Avant quand il y’avait des filles avec nous ici, je me suis fait des copines. Maintenant il n’y a plus beaucoup de filles ici ; celle qui était avec nous ce matin est devenue ma nouvelle copine.
Aujourd’hui je me sens apaisé dans la rue. Je ne veux plus retourner chez mes parents, je veux rester chez quelqu’un d’autre. Je n’ai rien à dire à mes parents, je ne veux même plus les revoir. Je n’ai rien à leur dire.
Quant à mon avenir, je fais du rap et je trouve que j’ai une belle voix ; je souhaite que Dieu m’aide à continuer à en faire toujours et même à en vivre. Je souhaite devenir artiste. En continuant à rapper, je finirai par avoir du succès.
L’Émissaire