
Entre Sonni et les Mola, un contrat d’éternité.
Quinzième roi de la dynastie des Sonni du royaume de Gao, Sonni Ali Ber est le fondateur de l’empire du Songhaï. Il régna de 1464 à 1492.
A sa mort, son fils Sonni Baro qui lui succéda fut victime d’un coup d’état fomenté par les oulémas de Tombouctou au profit de Mohamed Sylla Touré, un officier moitié peul, moitié soninké, recruté au royaume peul de Tekrour par Sonni Ali Ber lors d’une de ses campagnes de conquête.
Lors de ses campagnes, son armée multiethnique comptait des soldats et officiers d’ethnie Mola. Les Mola sont un groupe ethnique proche des Mossi. On ignore pourquoi ils combattaient aux côtés de Sonni auquel les Mossi étaient hostiles.
Comme les Mossi, ainsi que les Gourman voisins, les Mola croyaient en un dieu unique et céleste mais ne l’adoraient pas. Ils préféraient se confier à leurs ancêtres pour la solution des problèmes quotidiens. On voit bien que ces monothéistes ne peuvent pas être taxés de païens ou d’animistes. Ils n’étaient certes pas musulmans, mais par son caractère unique et céleste leur dieu n’était pas si différent de celui des musulmans.
N’empêche, Tombouctou et Mohamed Touré devenu empereur du Songhaï sous le nom de Askia Mohamed décidèrent de convertir de gré ou de force ces adorateurs d’ancêtres. Le djihad s’engagea particulièrement contre les Gourma et les Mola. Mais quand un Gourman ou un Mola se convertissait, on l’accusait de n’être pas sincère. Or quand on n’est pas musulman on est exposé à l’esclavage ou à la mort.
Pour bon nombre de Mola et Gourma, la solution la plus évidente était l’exil hors de l’empire.Ceux qui se sont décidés à partir empruntèrent la route de la cola qui, à partir de Djougou, les conduit vers les refuges montagneux de l’Atakora, vers le pays des Gurunsi de l’est (Bago-Koussountou, Delo-Ntribou, Kabrè, Lamba, Lokpa, Tchala et Tem).
Dans leurs valises, les fugitifs emportèrent leurs langues, le gurmantchéma, pour les Gourman, qui va devenir le ncam des actuels Bassar et l’akaselem des actuels Tchamba, et le mola pour les Mola, langue qui va disparaître au profit de la langue de leurs hôtes, le tem.
Ils (Mola et Gourma) emportent aussi deux divinités communes : Ali qui représente la personne de l’empereur Sonni Ali Ber, et Songhaï qui représente l’empire qu’ils ont contribué à bâtir.
Le contrat d’éternité est ainsi conclu. Les Mola gardent à jamais dans leur cœur l’empereur Sonni Ali Ber aux côtés de qui ils ont sillonné l’Afrique civilisée de l’époque.
Prof Zakari Tchagbele