Aného, petite ville côtière du Togo, autrefois prospère grâce à ses riches ressources marines, est aujourd’hui le théâtre de la lutte quotidienne de ses pêcheurs. Parmi eux, Mme Edoh KOUSSITO, la porte-parole des pêcheurs, une femme d’une cinquantaine d’années, incarne cette tradition séculaire. Depuis son plus jeune âge, elle a hérité de ses parents l’amour et le savoir-faire de la pêche. Mais aujourd’hui, la mer ne sourit plus à cette communauté de pêcheurs. Les eaux autrefois généreuses se sont transformées en terrain de défis redoutables.
La situation des pêcheurs d’Aného est un microcosme des problèmes plus larges qui affectent de nombreuses communautés côtières en Afrique de l’Ouest. L’épuisement des ressources halieutiques, les impacts environnementaux de l’exploitation minière et la modernisation nécessaire pour survivre dans un marché globalisé sont autant de défis qui résonnent bien au-delà des frontières de cette petite ville.
Autrefois, les pêcheurs partaient trois fois par jour et revenaient avec des pirogues pleines. Aujourd’hui, Mme Edoh se remémore ces jours avec nostalgie. « Nous étions nombreux à vivre de la mer. Mais maintenant, les poissons se font rares, » confie-t-elle. La pollution due à l’exploitation des phosphates est un facteur majeur de cette dégradation. Les détritus de phosphates contaminent l’océan, créant un dépôt jaunâtre visible sur les poissons capturés. Ce phénomène a non seulement chassé les poissons des côtes, mais il pose aussi des risques sanitaires pour les consommateurs.
Le nombre croissant de pêcheurs est une autre cause de la baisse des prises. « Il y a trop de pirogues en mer, et la mer ne peut plus supporter une telle pression, » explique-t-elle. Les coûts ont également explosé. Pour une seule sortie en mer, il faut désormais compter entre 20 et 25 millions de FCFA pour l’équipement complet et une équipe de pêcheurs. Le carburant seul coûte environ 30 000 FCFA par sortie, et les rendements ne sont plus garantis. « Si après 2 ou 3 sorties on ne trouve rien, le découragement s’installe, » déclare-t-elle.
Les solutions semblent passer par une diversification des techniques de pêche et une modernisation des pratiques. Mme Edoh insiste sur la nécessité de changer de stratégie. « Ailleurs, les gens font l’élevage de poissons. Cela devrait être une stratégie pour redonner de l’éclat au métier de pêcheur, » dit-elle. Selon elle, l’aquaculture pourrait offrir une alternative viable et durable, permettant de réduire la pression sur les ressources marines naturelles tout en augmentant la production de poissons.
Les experts en environnement confirment ce constat. Dr. Malik Jacobi, océanographe, souligne que la gestion durable des ressources marines est essentielle. « Il est crucial d’adopter des pratiques de pêche durable et de mettre en place des régulations strictes pour protéger l’écosystème marin. L’aquaculture peut jouer un rôle important dans cette transition, » explique-t-il.
Malgré les défis, la porte-parole des pêcheurs ne perd pas espoir. « Nous devons nous adapter. Si nous voulons que nos enfants puissent vivre de la mer comme nous l’avons fait, nous devons changer nos méthodes, » dit-elle avec détermination. Elle envisage de se lancer dans l’aquaculture, si elle trouve les moyens, espérant que cette nouvelle approche pourra offrir une stabilité économique à sa famille et à sa communauté.
L’avenir de la pêche à Aného est incertain, mais les pêcheurs sont prêts à embrasser le changement pour préserver leur mode de vie. « La mer a toujours été notre vie. Nous devons la respecter et trouver des moyens de la protéger pour les générations futures, » conclut-elle. Avec une stratégie renouvelée et une prise de conscience accrue des enjeux environnementaux, Aného pourrait bien retrouver sa prospérité d’antan, tout en assurant un avenir durable pour ses pêcheurs et leurs familles.
Djamiou ABOUDOU