Ceci est un petit dossier d’exploration du concept dénommé « agroécologie ». Il s’agit surtout de démontrer la pertinence de l’agroécologie pour nous aujourd’hui.
- Qu’est-ce que l’agro-écologie ?
On définit l’agriculture écologique (agro-écologie) comme un système de pratiques qui s’inspirent des processus vivants à l’œuvre dans une nature généreuse et abondante.
C’est aussi une agriculture qui coopère avec ces processus naturels. Ses fondements sont profondément philosophiques et spirituels et c’est de par cette dimension que l’agriculture écologique se situe aux antipodes de l’agriculture conventionnelle matérialiste.
L’agriculture écologique respecte toute vie sur terre et perçoit la Nature comme sacrée.
Cette définition correspond très largement, sinon entièrement, à la plupart des “écoles” au sein de cette agriculture écologique: agriculture biologique, agriculture bio-dynamique, agriculture bio-intensive, agriculture naturelle, etc….
Pour Pierre Rabhi, grand griot de l’agroécologie, c’est avant tout une philosophie: “L’agroécologie est bien plus qu’une simple alternative agronomique. Elle est liée à une dimension profonde du respect de la vie et replace l’être humain dans sa responsabilité à l’égard du Vivant.”
- Importance, nécessite et avantage de l’agro-écologie
Le rapporteur spécial des Nations-Unies sur le droit à l’alimentation Olivier De Schutter a présenté le 8 mars 2011 à Genève un fameux rapport ; rapport fondé sur un examen approfondi des plus récentes recherches scientifiques,
Le Rapport appelle à un virage fondamental en faveur de l’agroécologie comme moyen pour accroître la production alimentaire et réduire la pauvreté rurale.
Le seul moyen de nourrir les 9 milliards de personnes à l’horizon 2050.
L’agro-écologie applique la science écologique à la conception de systèmes agricoles qui répondent aux défis climatiques, alimentaires et de pauvreté rurale.
Cette approche améliore la productivité des sols et protège les cultures en s’appuyant sur l’environnement naturel comme certains arbres, plantes, animaux et insectes.
Les projets agroécologiques menés dans 57 pays en développement ont entraîné une augmentation de rendement moyenne de 80% pour les récoltes, avec un gain moyen de 116% pour tous les projets menés en Afrique.
De récents projets menés dans 20 pays africains ont même démontré un doublement des rendements sur une période de 3 à 10 ans.
L’agriculture conventionnelle accélère le changement climatique ; elle repose sur des intrants coûteux et n’est pas résiliente aux chocs climatiques.
Elle n’est tout simplement plus le meilleur choix pour l’avenir, affirme l’expert de l’ONU.
Le rapport souligne aussi que les projets agro-écologiques menés en Indonésie, au Vietnam et au Bangladesh ont réduit de 92% l’utilisation d’insecticides pour le riz, permettant aux agriculteurs pauvres de faire d’importantes économies financières.
L’agroécologie est une approche exigeante au niveau des connaissances, explique Olivier De Schutter.
Elle requiert donc des politiques publiques qui soutiennent la recherche participative et la vulgarisation agricole
Nous ne réglerons pas les problèmes de la faim et du changement climatique en développant l’agriculture industrielle sur de grandes plantations.
Au contraire, il nous faut miser sur la connaissance des petits agriculteurs et sur l’expérimentation, et améliorer les revenus des paysans afin de contribuer au développement rural.
L’agroécologie consiste en un travail du sol qui ne bouleverse pas sa structure;
une fertilisation organique fondée sur les engrais verts et le compostage;
une gestion plus efficace des éléments nutritifs en recyclant la biomasse et en ajoutant régulièrement des résidus agricoles, du fumier d’origine animale et des composts;
- Traitements phytosanitaires aussi naturels que possible (le Neem, le Caelcedra, le Cassia amara, les cendres de bois, des graisses animales…)
- Choix judicieux des variétés les mieux adaptées aux divers territoires
- Augmentation de la couverture par exemple avec du fumier et des engrais verts,
- Economie et l’usage optimum de l’eau. L’irrigation peut être accessible lorsqu’on a compris l’équilibre entre terre et eau ;
- Recours à l’énergie la plus équilibrée, d’origine mécanique ou animale selon les besoins mais avec le souci d’éviter tout gaspillage ou suréquipement couteux.
- Travaux antiérosifs de surface (diguettes, microbarrages, digues filtrantes, etc.)
- Constitution de haies vives pour protéger les sols des vents et constituer de petits systèmes favorables au développement des plantes cultivées, au bien-être des animaux, au maintien d’une faune et d’une flore auxiliaires utiles;
- Reboisement des surfaces disponibles et dénudées avec diversité d’espèces pour les combustibles, la pharmacopée, l’art et l’artisanat, la nourriture humaine et animale, la régénération des sols, etc.…
- Réhabilitation des savoir-faire traditionnels conforme à une gestion écologique économique du milieu.
- Problèmes de l’agriculture conventionnelle
Des aliments qui ne sont plus source de nutrition
L’OMS estime que trois milliards de personnes, présentement, n’ont pas accès à une nourriture adéquate.
Selon les études de la FAO, ce sont entre 800 millions et un milliard de personnes qui souffrent de déficience nutritionnelle: 616 millions sont affectés par une déficience en fer, 123 millions manquent de vitamine A et 176 millions souffrent d’un goitre.
Plusieurs études ont indiqué que la valeur de la nourriture issue de l’agriculture conventionnelle a décliné drastiquement depuis l’introduction et l’utilisation généralisée des agro-toxiques.
Lorsque les plantes sont nourries de force avec des fertilisants chimiques, surgit un phénomène de gavage.
Cela signifie que «les plantes absorbent des quantités excessives de NPK au détriment d’autres micronutriments et oligoéléments (calcium, zinc, cuivre, magnésium, fer, etc), cela se manifeste même quand les minéraux sont présents en abondance dans le sol, » (Peavy et Peary, 1993:15).
Les gens sont contraints d’acheter des compléments alimentaires, des minéraux, des vitamines, qui font défaut dans leur alimentation, ainsi que des médicaments afin qu’ils puissent encore tenir debout.
Les déficiences du système immunitaire et de nombreuses pathologies de dégénérescence, causées par le vieillissement, sont maintenant corrélées à de telles déficiences nutritionnelles.
Du blé cultivé en France a été considéré comme non comestible. Le lait ne peut pas être transformé en fromage à cause de sa haute teneur en antibiotiques. Les raisins ne peuvent pas être transformés en vin (Bourguignon, 2005:). De plus, de tels aliments sont très pauvres en substances régénératrices, tels que les anti-oxydants naturels et les vitamines.
Les pesticides sont nécessaires car des plantes “gavées” deviennent très susceptibles à toutes sortes de pathogènes.
Les horreurs et les effets pernicieux de la gamme des “cides” sont universellement reconnus et largement prouvés.
Nonobstant, ils continuent d’être utilisés à large échelle.
En dépit de l’utilisation extravagante des pesticides de l’agro-chimie, les pestes et pathologies détruisent à peu près 20 % de toutes les récoltes mondiales, tous les ans (Robinson. 1996).
La laideur de cette terreur pesticide nous fait prendre conscience que nous avons encore à développer beaucoup d’humanité.
Il existe deux forces apparemment opposées, mais en fait complémentaires, dans les semences et dans tous les êtres vivants: ce sont la capacité de se reproduire et de se multiplier tout en conservant les caractéristiques existantes et la capacité de changer, d’évoluer.
La capacité que possèdent les semences de se reproduire “conformément au type” est une source de nuisance et d’insécurité pour l’industrie semencière.
En une seule offensive, ils réussirent à marginaliser la participation créative, vieille comme le monde, des paysans aux dynamiques évolutives de la nature.
Les hybrides constituent ainsi l’un des premiers succès d’une série de stratagèmes déployés par l’industrie semencière pour asservir le monde naturel.
L’absence de force de vie dans les semences hybrides semble être concomitante à la dégénérescence du sperme humain dans le monde occidental: il contient, en effet, deux fois moins de spermatozoïdes que durant la période précédant la seconde guerre mondiale.
Les informations rapportées ici viennent des résultats d’un travail qui fait partie du projet « Extension de l’Agriculture Agro-écologiques au Bénin » (ONG JINUKUN).
Un recensement fait dans tout le Bénin a permis de rapporter des pratiques agro-écologiques dans la production agricole.
- Opportunités agro-écologiques (CAS DU BENIN)
Caractéristiques générales des expériences agro-écologiques recensées
La majorité des promoteurs de l’agroécologie exploitent, de petites superficies.
86% des exploitations investiguées ont une superficie de moins de 5 ha. Les exploitations de 1ha sont prédominantes (19,4%); Les exploitations de 0,5 ha représentent 13% des expériences recensées de même que celles de 2 ha.
Parmi les 14% restants, 9% exploitent de 6 à 11 ha, 4% de 11 à 15 ha et 1%, plus de 15 ha.
La forte proportion des unités de moins de 5 ha observée au sein des producteurs recensés peut être révélatrice de ce que cette agriculture est surtout pratiquée avec des moyens réduits (soutien technique insuffisant et absence de financement conséquent).
Pour l’ensemble du Benin, «la taille moyenne de l’exploitation familiale est estimée à 1,7 ha pour 7 personnes ».
Toutefois, on note que 34% des exploitations couvrent moins de 1 ha et seuls 5% des exploitations du Sud et 20% de celles du Nord disposent de plus de 5 ha » (Plan stratégique de relance du secteur agricole, 2008, p. 10).
La grande majorité des producteurs font précéder le labour du sarclage après lequel les herbes et/ou les résidus de récolte restent à pourrir dans le champ pendant une période de temps avant le labour.
Généralement le sarclage se fait quelques semaines avant les premières pluies. Les herbes et les résidus de récolte sont enfuis dans le sol pendant le labour, comme pour servir de fumure de fond.
La fumure de fond se pratique aussi d’autres manières dont notamment l’épandage des déjections d’animaux (bouse de vache, fientes de volaille ou de lapin).
Dans le Nord du Bénin, il est plus couramment recouru au parcage des bœufs avant le labour.
Les maraîchers pratiquent la fumure de fond sur les planches. Les périodes de temps indiquées entre la fumure de fond et le semis/repiquage varient considérablement, sans que les producteurs aient pu justifier pourquoi ils adoptent telle ou telle période de temps. Celles-ci vont d’une semaine à 3 mois.
Assolements et rotations
Piment – (laitue, concombre, carotte) – niébé – tomate – piment
Rotation aléatoire entre gingembre, grande morelle, amarante, vernonia, laitue, chou, carotte, concombre et tomate;
Niébé-maïs-piment-gombo-niébé;
Manioc-maïs-manioc;
Maïs-piment-gombo-maïs;
Associations de cultures
L’association de culture est pratiquée de façon spontanée par l’ensemble des maraîchers rencontrés.
Cette technique est destinée à perturber l’évolution et l’adaptation des ravageurs.
Jachères et friches.
- Les modèles d’entreprises agro-écologiques au Bénin et leur apport a la croissance économique
Rappel : À ce jour, les projets agroécologiques menés dans 57 pays en développement ont entraîné une augmentation de rendement moyenne de 80% pour les récoltes, avec un gain moyen de 116% pour tous les projets menés en Afrique, explique le Rapporteur de l’ONU.
Rappel : De récents projets menés dans 20 pays africains ont même démontré un doublement des rendements des cultures sur une période de 3 à 10 ans.
Les projets agroécologiques menés en Indonésie, au Vietnam et au Bangladesh ont réduit de 92% l’utilisation d’insecticides pour le riz, permettant aux agriculteurs pauvres de faire d’importantes économies financières.
Remplacer les pesticides et les engrais par la connaissance de la nature fut un pari gagnant, et des résultats comparables abondent dans d’autres pays asiatiques, africains, et latino-américains », note Olivier De Schutter.
De nombreux Béninois, dans les régions les plus reculées du Nord, vivent exclusivement de la culture de subsistance.
Environ 90% de la production agricole sont fournis par de petites exploitations. Maïs, manioc, sorgho, igname, mil, patate douce, arachide et haricot constituent les cultures vivrières.
Les cultures d’exportation, principalement pratiquées, comprennent le palmier (huile de palme, cœurs de palmiers), le cocotier, le coton, le café, le cacao, dans le sud du pays, et l’arachide dans le Centre et le Nord.
Dans les savanes du Nord pâturent de nombreux troupeaux de bovins, conduits par les Peulhs.
- Conclusion
Les Nations Unies ont voulu que 2014 soit « l’année de l’agriculture familiale ».
La production agricole, dont on attend qu’elle nourrisse demain 9 milliards d’êtres humains, ne sera pas l’affaire seulement de grandes unités et de puissantes entreprises.
Tous les pays ont besoin d’un tissu micro-économique solide, dont une des forces est la proximité entre producteurs et consommateurs. Ce sera, et c’est déjà le cas pour l’agriculture.
Trop longtemps, les gouvernements et les banques de développement n’ont soutenu que de puissantes cultures « industrielles ».
Celles-ci ont donné à beaucoup de pays en développement un profil économique de mono-activité, dans la dépendance des marchés internationaux.
Bien des économies, ainsi bâties sur une ou deux productions agricoles, se sont un jour ou l’autre effondrées.
Djamiou ABOUDOU